Les Chroniques de Sadwick - The Whispered World - Test
Jeux Vidéo /
Critique
- écrit par gyzmo, le 26/04/2010
(
Ces chroniques forment une expérience plaisante qui pourrait bien ouvrir les portes de la reconnaissance aux développeurs allemands Daedalic Entertainment...
Qu'il s'agisse des clins d'œil de So Blonde, l'excellente ambiance de A Vampyre Story, de l'humour omniprésent de A Twist of Fate ou de la poésie douce et heureuse de Machinarium, une certitude est de mise : à la vue des qualités respectives des nombreux jeux d'aventure qui se succèdent depuis ces deux ou trois dernières années, le point'n click 2D façon LucasArts est loin d'avoir soufflé sa dernière bougie. La preuve en est la petite flopée de softs du même calibre (le Special Edition de Monkey Island 2, A Next Big Thing...) qui s'apprêtent à faire perdurer l'esprit bon-enfant et les associations loufoques d'objets dans des décors 2D peints par de bien expertes menottes. Dans ce sillage en devenir, et par la toute jeune équipe de développeurs allemands Daedalic Entertainment, Les Chroniques de Sadwick : un prodige attendu de pied ferme par les aficionados du genre.
Ce récit fantastique se distingue
d'emblée par un visuel splendide - et apparemment inspiré par Le Voyage de Chihiro de Miyazaki. Des
différentes zones de la forêt d'automne aux caches souterraines farcies de
mystère, les tableaux se succèdent sans invoquer une quelconque lassitude pour
le visiteur. Et ce, malgré l'ensemble plutôt dépourvu d'animations
environnementales et saturé par des gestuelles saccadées de la part des
protagonistes. Hormis cette disette statique, face à autant d'attention graphique
et de dépaysement, l'œil n'a d'autre choix que de se régaler des associations
de couleurs, des jeux de lumières (surtout ceux à la bougie !) et de
l'envergure grandiose exprimée par certains environnements. Les personnages,
quant à eux, ne sont pas en reste... pourvu que l'on ne soit pas allergique à
leur apparence un peu trop disneyenne. Le jeune clown triste Sadwick - votre
double dans ce périple initiatique, possède un capital sympathie susceptible de
séduire tous ceux qui n'ont rien contre les antihéros sous antidépresseurs. Les
moins charitables auront quelques difficultés à supporter la voix nasillarde
(dans sa version anglaise, du moins) de ce petit bonhomme, plaintif et bavard
comme pas deux. Quoique. Le reste du casting se révèle tout aussi loquace, en
fin de compte. Et pour pas grand-chose. Car là où les dialogues auraient pu
s'avérer légers et humoristiques, la plupart se contentent d'être longs et peu
intéressants. Rarement, ils ne servent de trampoline à l'intrigue pour la faire
avancer. Quasiment jamais, le background ne prend de la consistance via les
questions des uns, les réponses des autres. Enfin, parmi son lot d'imperfections,
les cinématiques ponctuant les quatre chapitres des Chroniques de Sadwick ne sont curieusement pas du tout au niveau
bluffant de l'aspect graphique général. De qualité plus que médiocres, elles
vont même jusqu'à tirer le soft vers le bas. Au final, les dessinateurs de
Daedalic ont sans nul doute de solides épaules pour construire un joli monde
imaginaire. Mais ils n'ont malheureusement pas (encore) l'étoffe d'un Richard
Williams ou d'un Preston Blair...
En contrepartie, Les Chroniques de Sadwick remplit
convenablement le cahier des charges dites du remue-méninges. La difficulté
croissante des énigmes, les quelques mini-jeux et puzzles un peu trop classiques
- et principalement concentrés dans le dernier chapitre, ou sa collecte de divers
items à associer avec les nombreux emplacements possibles d'interaction font
que l'aventure encourage en permanence l'exploration, invite à faire
différentes tentatives, tout en gardant au chaud les neurones du joueur. Dans
le fond, le gameplay ne réinvente fondamentalement rien : curseur qui
cherche ; curseur qui trouve ; curseur qui clique. Dans la forme, par
contre, une particularité offre des phases de jeu plus originales que d'ordinaire.
En un mot : Spot ! Patronyme du ver de compagnie de Sadwick, Spot
possède deux super pouvoirs. Le premier : il est presque muet comme une
carpe (et Grand Dieu que ça fait du bien !). Le second : aucune des
mortelles tortures que lui inflige - en tout bien tout honneur - ce sadique de
Sadwick (vous, en l'occurrence !) n'auront sa peau. Bien au contraire.
Suivant les utilisations que vous faites de Spot avec des éléments spécifiques
du décor, ce dernier développe de nouvelles compétences lui permettant, par
exemple, de se transformer en ver incandescent. Pratique, lorsqu'on n'a pas de briquet
à amadou sur soi. Les cinq distinctes et complémentaires mutations à débloquer tout
au long de l'exploration et à utiliser à différents moments de l'intrigue (de
manière plus ou moins tirée par les cheveux) trouveront leur apothéose dans
l'introduction du dernier des chapitres. Un petit plus sympathique qui n'est
pas sans rappeler le Crow d'April
Ryan et autres héros secondaires animaliers.
Dans l'ensemble, les challenges proposés par Les Chroniques de Sadwick restent accessibles à tous. D'autant que pour les moins observateurs ou les plus impatients, un coup sur la barre d'espace révèle les zones scriptées. Gare toutefois à tout ce qui touche à l'astronomie fantaisiste et aux crises de nerfs associées. Autrement, entre dix et quinze heures devraient suffire pour boucler cette histoire entraînante et dotée d'un véritable petit suspense.... même si noyée sous un peu trop de blabla. Evidemment, et au-delà des défauts du soft, ces chroniques forment une expérience plaisante qui pourrait bien ouvrir les portes de la reconnaissance aux développeurs allemands Daedalic Entertainment, sur le feu de A New Beginning et de Deponia, deux réalisations prometteuses en ligne de mire.